Un site isolé
L’abbaye de Clausonne est la première fille de Notre-Dame de Lure, elle-même fille de Boscodon. La date de fondation de l’abbaye de Clausonne n’est pas connue avec précision. En 1147, Pierre de Clausona – probablement un religieux – est mentionné comme signataire d’une charte de la chartreuse de Durbon (commune de Saint Julien en Bôchaine, hautes alpes). Une occupation par des ascètes du site de Clausonne, antérieure à la création de l’abbaye, n’est donc pas à exclure. Le Rocher de l’Ermite, au-dessous de la falaise de la Plane qui lui fait face, pourrait en être une trace toponymique. Les ermitages étant très souvent le germe de monastères.
Les archives ont disparu, mais d’autres documents révèlent que :
- Clausonne n’est pas mentionnée dans la bulle du pape Lucius III du 12 mai 1182 qui confirme Chalais dans ses possessions,
- Le premier abbé, Wilelmus (Guillaume), qui figure dans un acte de l’an1200, a encore la charge de l’abbaye en 1220,
- Un moine de Clausonne, Guillaume Pierre, souscrit en 1202 un acte en faveur de Notre-Dame de Lure,
- La nomination du premier abbé de Clarescombes, deuxième fille de Notre-Dame de Lure, a lieu en 1199.
De ces repères chronologiques, il est possible d’en déduire qu’un groupe de quelques religieux de l’abbaye de Notre-Dame de Lure, mené par un prieur, essaime vers 1185-1190 pour trouver un lieu propice à la fondation d’un nouveau monastère.
Le site de Clausonne, de part son isolement géographique, présente un attrait spirituel. De plus, ce choix renforce le maillage existant entre les communautés chalaisiennes méridionales de Lure, Boscodon et Valserres, et plus tard de Clarescombes Une longue journée de marche doit permettre de relier les sites entre eux, ce qui sera essentiel pour la transhumance des brebis vers la plaine de la Crau où l’abbaye de Puyredon est fondée en 1205.
En 1255, une bulle du pape Alexandre IV, confirme les possessions de l’abbaye chalaisienne de Notre-Dame de Lure. Clausonne est citée comme relevant de sa dépendance, ainsi que Clarescombes.
L’abbaye de Clausonne est placée sous la dédicace de Notre-Dame (Beate Maria de Closona) comme la plupart des monastères chalaisiens. Le seigneur de la Val d’Oze fait don du domaine sur lequel l’abbaye sera construite.
Les premiers moines commencent alors à défricher la forêt et délimiter le périmètre de la future abbaye. Sur les berges du torrent de Maraize, situé en bordure du domaine, ils disposent de calcaire en strates régulières formant une carrière de pierres faciles d’exploitation. Les premières pierres sont utilisées pour l’élévation de la partie la plus sacrée de l’église : le chœur. Mais le calcaire est de mauvaise qualité : les pierres se fendent avec le gel. Un autre site d’extraction bien plus éloigné sera exploité pour finir la construction.
En dehors de ce domaine foncier, l’abbaye de Clausonne possède des terres, des pâturages et des vignes ainsi que des revenus seigneuriaux : l’abbé est considéré comme un seigneur parier de la Val d’Oze. La Montagne de Clausonne lui appartient.
Malgré cela, les revenus sont modestes. D’ailleurs, l’état de langueur dans laquelle se trouvent les monastères chalaisiens les conduit à chercher une issue au sein d’autres ordres plus rayonnants. Pourtant, Clausonne jusqu’à sa destruction au XVIe siècle, est avec Boscodon, la seule abbaye chalaisienne à avoir maintenu une existence indépendante plusieurs siècles après la disparition de l’Ordre, sans jamais en intégrer un autre.
Durant son existence, malgré sa situation d’isolement, l’abbaye aura subi maintes vicissitudes :
- 1367 : l’expédition des Provençaux dévaste le Dauphiné.
- 1390 : les bandes de “routiers” de Reymond de Turenne, en rébellion contre le pouvoir pontifical d’Avignon et le Comtat de Provence, pillent et rançonnent le pays.
- 1451 : l’abbaye ne compte plus que 5 moines et leur abbé, alors que la peste sévit une nouvelle fois.
- 1573 : les exactions des troupes protestantes du seigneur de Montbrun lors des guerres de Religion sont fatales à l’abbaye qui disparaît en tant que monastère régulier.
Ainsi va décliner, puis disparaître, la vie monacale à Clausonne. Au milieu du XVIe siècle, les abbés deviennent commendataires. Ces prévaricateurs perçoivent les revenus seigneuriaux de l’abbaye, mais n’y résident pas. Elle n’est pour eux qu’un bénéfice octroyé par le roi, et cela même après la désaffection du monastère. La dévastation de Notre-Dame de Clausonne est parachevée en 1692 par les troupes du duc de Savoie.
En 1712, l’évêque de Gap décide de relever le chœur et la nef. Le chœur sert d’église paroissiale au village de Clausonne, tandis que la nef devient une ferme. Après la Révolution, la mairie de Clausonne et une école sont aménagées dans le grenier du monument, au-dessus de l’écurie. Quant aux bâtiments claustraux, ils n’ont pas été relevés et les pierres ont été réemployées…
Clausonne aujourd’hui
En 1950, les Eaux et Forêts achètent le cirque de Clausonne dans le cadre de la politique de restauration des terrains de montagne. L’abbaye, inhabitée et dont le toit s’effondre, devient rapidement une ruine couverte de végétation.
En 1994, l’Association des Amis de l’Abbaye de Clausonne est créée. S’appuyant sur les chantiers internationaux de jeunes internationaux et d’insertion de l’association les Villages des Jeunes (délégation régionale de Solidarités Jeunesses, elle sauvegarde, restaure et met en valeur les vestiges de l’abbaye et l’ensemble du site.
Depuis 1995, les vestiges de Notre-Dame de Clausonne sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Association des Amis de l’Abbaye de Clausonne – Mairie – 05400 LE SAIX – abbayeclausonne@gmail.com – www.abbayedeclausonne.org